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Les coteaux de Garonne (6e) La mécanisation du vignoble (1949-1968)

Les coteaux de Garonne (6e) La mécanisation du vignoble (1949-1968)
Les coteaux de Garonne (6e) La mécanisation du vignoble (1949-1968)

A la libération les coteaux de Garonne connaissent d’abord une courte période de prospérité tant la demande en vins blancs doux est forte après les privations. Mais le renversement de la conjoncture du marché du vin au début des années 1950, la revalorisation brutale des salaires agricoles (80% à 90% de hausse entre mai 1950 et mai 1952) obligent les viticulteurs à réagir. Très vite il apparaît à beaucoup que les problèmes essentiels sont d’origine technique : il s’agit de diminuer les prix de revient.

De nouveaux outils pour le travail de la terre

La situation évolue rapidement grâce à la vulgarisation, et au comportement exemplaire d’un grand nombre de bons viticulteurs. Beaucoup d’entre eux ont l’esprit ouvert, surtout dans cette région où existe un CETA (Centre d’Etude des Techniques Agricoles) dynamique. Les premiers CETA datent de 1944, des viticulteurs, sans attendre tout de l’Etat et des Organisations Professionnelles, se réunissent pour partager leurs problèmes, imaginer, trouver  des solutions et même en assurer la vulgarisation. Les adhérents cherchent à comprendre, à innover, à trouver et à vulgariser les bonnes méthodes techniques. Ceux-ci assez nombreux dans cette partie de la vallée de la Garonne où ils ont investi dans les vignobles et dans les productions de fruits. Ils ont alors une influence majeure dans cette région où on cultive aussi des fruits. Malgré le contexte, les propriétaires locaux les plus importants comme, Medeville, Perromat, Dejean, Ducau, Ducourt, Dulong, les frères David et bien d’autres ont toujours cherché à dynamiser le pays en fédérant les énergies, en organisant des conférences et des démonstrations de matériels.

 

Joseph David et les démonstrations de motoviticulture

Dans le canton de Cadillac, les jeunes agriculteurs sous la direction de Joseph David, décident de s’impliquer dans la mécanisation d’une activité jusque-là restée dominée par les façons manuelles. Le matériel agricole n’était pas adapté aux travaux de la vigne, les tracteurs étant trop larges pour circuler dans des vignes traditionnellement étroites.

Dès 1949, une première démonstration de motoculture est organisée à Loupiac sur les terres du Château du Cros, chacun venant avec son matériel pour montrer les bienfaits de la mécanisation. Le succès de la première demi-journée, organisée au printemps 1949, est tel que Joseph David et son équipe du Cercle des Jeunes Agriculteurs du Canton de Cadillac décident de renouveler l’expérience les années suivantes à Béguey, Laroque, puis à partir de 1952 à Cadillac dans le cadre des foires du 1er mai.

Le comité d'organisation des démonstrations

Devenue avec l’appui de l’ITV (Institut Technique du Vin) un événement majeur régional, la démonstration de motoviticulture, qui attire plusieurs dizaines de milliers de visiteurs, prend de la hauteur en quittant les rives de la Garonne pour s’implanter en 1956 à Donzac, dont Joseph David a été élu maire en 1952.

 

 

Joseph David accueillant le préfet de Région Gabriel Delaunay en 1961

Devenues l’une des trois manifestations de cette ampleur en France avec celles de Colmar et de Montpellier, les Démonstrations Internationales de Motoviticulture de Donzac associent alors expositions, démonstrations, conférences et accueillent orchestres et artistes de renom. Ces journées connaissent un grand retentissement, attirant selon le journal Sud-ouest, jusqu’à 40 000 personnes.

 

Photo Le château de  Saint-Germain et les parkings en 1957 (coll. R. Bouyre)

En 1959, le secrétaire d’Etat à l’agriculture et le Préfet de la Gironde sont parmi les invités du vaste banquet qui chaque année clôture la manifestation.

 

La visite des stands par le Ministre de l’Agriculture en 1959

Pendant une dizaine d’années les démonstrations de motoviticulture deviennent l’événement majeur du printemps dans la filière bordelaise, offrant le spectacle d’un monde qui bouge, qui s’adapte aux nouvelles exigences de l’économie. Parmi celles-ci, la mécanisation est le sujet d’actualité au lendemain de la Seconde guerre mondiale, dans le cadre de la nécessaire modernisation de l’agriculture française. La viticulture est, en effet, restée jusqu’à la guerre une activité de main d’œuvre, faute d’outils spécialisés pour réaliser les différentes façons.

Joseph David a parfaitement compris que l’avenir de nombreuses exploitations et, avec elles, de l’économie de la région passait par la mécanisation de la plus grande partie des travaux de la vigne. D’où l’idée d’organiser des démonstrations de matériels adaptés afin d’en vulgariser l’emploi.

« Le but de cette XIVe Démonstration est, d’une part, de présenter le matériel valable et, d’autre part, de le rendre vivant. Voir les tracteurs est certes plein d’intérêt, les voir évoluer avec leurs outils dans des conditions normales de travail est encore plus profitable.

Le choix d’un ensemble est délicat et doit répondre à certaines normes. Il doit avant tout correspondre aux besoins de l’exploitant, être robuste, puissant, maniable, d’un prix accessible, mais il faut aussi qu’il puisse être réparé rapidement sans trop de frais.

Les divers essais constituent bien sûr une attraction intéressante, mais les conférences prévues répondent à quelques-uns des principaux soucis des viticulteurs. Tout d’abord, la défense anticryptogamique et antiparasitaire du vignoble. En machinisme, une question importante pour l’utilisateur : la SÉCURITÉ. Vient ensuite le point de vue médical sur la sécurité du travail en agriculture.

La commercialisation des vins mérite aussi une grande attention. IL est recommandé aux vignerons de produire au meilleur prix, mais à condition que ce soit un vin de qualité. Malheureusement, il ne suffit pas de bien réussir en récoltant un vin agréable à boire, il faut encore trouver un acheteur.

Ces difficultés sont d’autant plus graves qu’une propagande insidieuse, dans la plupart des cas, sape le moral du consommateur. Le viticulteur est-il le bienfaiteur de l’humanité ou son destructeur ? Sur ce sujet délicat, il est urgent de faire le point et de savoir ce que l’on doit penser du rôle du vin dans l’alimentation humaine.

Ces grandes questions doivent donc attirer, intéresser et contribuer à la véritable expansion de l’agriculture de notre pays et de notre civilisation. »[1]

Ainsi en 1952, d’après le compte rendu de l’Union Girondine de juin, « les quatre roues motrices ont vivement intéressé tous ceux qui cherchent le maximum d’adhérence…. Une décavaillonneuse semi-automatique réalisée et présentée par son inventeur M. Techeney, a vivement retenu l’attention des amateurs de nouveauté… »

Cette dynamique est renforcée par la création à Montpellier, en 1955, d’un Centre pilote de l’ITV dont les objectifs sont de « vulgariser les méthodes modernes en matière de motorisation et de conseiller et guider les viticulteurs vers un choix rationnel de matériel afin d’accroitre la rentabilité et ainsi la productivité de leur exploitation » (bulletin-programme de 1957). Depuis 1955, l’ITV participe activement à l’organisation de la manifestation.

L’essor de la mécanisation est ainsi analysé dans plusieurs des contributions insérées dans les livrets-guides remis aux visiteurs des démonstrations.

 

 

Le programme des journées en 1959 (coll. R. Bouyre)

En 1956, Henri Deloubis, faisant le point sur l’évolution de la motoviticulture, rappelle que l’adaptation des outils au travail de la vigne ne peut se réaliser correctement que par la collaboration entre services techniques, bureaux d’études et utilisateurs. Ce fut incontestablement l’un des apports essentiels de ces démonstrations que de permettre ce contact annuel.

 

 Démonstration de sulfatage (coll. JL David)

La rentabilité des investissements est une des préoccupations essentielles dans un contexte économique difficile et fait aussi l’objet de nombreuses mises au point : Equilibre  par Roger Lacombe en 1959, La motorisation et ses problèmes par G. Siloret, ingénieur en chef, directeur des Services agricoles de la Gironde, en 1959. La presse régionale s’en est fait largement l’écho. La manifestation est ainsi devenue un lieu de formation des viticulteurs .

 

Démonstration de labours (coll. JL David)

Les journées de démonstrations organisées à Donzac, puis à Sauternes sont aussi l’occasion d’aborder la plupart des grandes questions posées à la filière : traitement des vignes, amendement des sols, mais aussi vin et santé, sécurité au travail, commercialisation… C’est une interrogation sur le métier de vigneron qui ainsi proposée aux participants ainsi qu’une vulgarisation et une invite à la formation.

Le ton de la manifestation est donné par Pierre Campana, courtier et chroniqueur dans L’Union Girondine, dans un éditorial publié en avril 1959

 

La couverture de l’Union girondine d’avril 1959

Enfin, les journées de Donzac, puis de Sauternes, sont l’occasion de faire la publicité des vins locaux. Les vins servis sont issus de la collecte des vins faite par les jeunes du Comité auprès des viticulteurs du canton. Ce sont autant d’occasions  de faire connaître les Bordeaux et les Premières Côtes de Bordeaux, en cette période de mise en place des appellations d’origine contrôlée. C’était également l’occasion de défendre le vin contre les attaques multiples dont il est l’objet.

Mais pour de nombreux viticulteurs la modernisation du vignoble par la seule mécanisation ne suffit pas et nombre d’entre eux se tournent aussi vers la rénovation des méthodes de conduite de la vigne, remettant en question  les modes de culture traditionnelles qui n’avaient guère été affectés par les deux révolutions du phylloxera et de l’introduction de la motorisation.

Le CETA de Cadillac qui organise un voyage d’études techniques par an, emmène alors ses membres en Autriche, vignoble précurseur en matière d’implantation et de gestion de « vignes larges » : le système Lanz Moser.

(à suivre)

NB; les archives utilisées pour rédiger cet article sont comme toujours consultables sur rendez-vous à la bibliothèque « Siriona-Rives de Garonne » consacrée aux arts, à l’histoire patrimoniale et au vin. La bibliothèque est ouverte chaque vendredi de 16h30 à 18h30, et ce pour en faciliter l'accès au plus grand nombre. En dehors de ce jour, il est possible de prendre rendez-vous avec un responsable au 06 08 58 85 61

 

 

[1] Joseph David, Président du Comité de Motoculture de Donzac-Cadillac. in Journal Sud-Ouest du 21 avril 1963.

 

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