Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LE CRIME DE LANGON (2ème partie)

Quinze jours après la disparition de M. Monget et même si la rumeur court de son assassinat, l'enquête reste au point mort.

 

Voici venu le temps des révélations

Suite à la démarche sans résultat évoquée précédemment et aux remous qu'elle provoque notamment à La Réole et s'appuyant sur des renseignements recueillis par la gendarmerie concernant des vols commis à Langon, le parquet de Bazas se rend à nouveau dans cette ville le 1er mars.

Malgré leurs dénégations, Branchery et Joseph Gazol sont arrétés.

Ce dernier, âgé de 30 ans appartient à une famille bien connue des services de police et de la justice pour fabrication de fausse monnaie et trafic d'allumettes de contrebande. Si le père avait été acquitté par la cour d'assise en 1900, la mère avait été condamnée à 5 ans de prison. Pour sa part, à la période qui nous intéresse, le fils aîné purge une peine de travaux forcés à perpétuité pour vol avec violence.

Joseph Gasol

On perquisitionne chez Branchery, on creuse le sol de la cave, mais on ne trouve rien. Même si Branchery est inculpé de complicité de vol, l'enquête continue de piétiner faute d'aveux et de témoignage probant.

C'est alors que se produit un coup de théâtre.

Le 6 mai, une jeune femme, Henriette Courrèges est mise en état d'arrestation.

Henriette Courrèges est née 23 ans plus tôt à Saint-Sever de père inconnu et d'une mère indigente. Elle est au service du couple Branchery en tant que domestique et se livre ponctuellement à la prostitution. Elle est aussi la maîtresse de Joseph Gasol.

 

Henriette Courrèges

 

Une autre photo un peu plus "glamour" d'Henriette Courrèges. De fait, cette jeune femme adore être photographiée et on la retrouve sur beaucoup des clichés et cartes postales concernant "le crime de Langon"

A ce point du récit, les versions divergent.

Selon A. Sapaly, elle aurait quitté Langon pour Bordeaux à la mi-janvier et se serait adressée à Mme Larrieu qui tenait un bureau de placement et qui l'hébergea quelques temps. Ne trouvant rien à sa convenance à Bordeaux, elle aurait échoué dans une maison close à Angoulème, ville où elle fut interrogée par un juge d'instruction qui la re-dirigea vers son collègue de Bazas. En fait, alarmée par des confidences que lui aurait faites Henriette Courrèges, c'est Mme Larrieu qui aurait alerté la force publique.

Selon Gonthier, Henriette Courrège aurait passé la journée du 7 février à Bordeaux avec son amant Joseph Gasol et serait rentrée à Langon le soir-même ou le lendemain soir. Quelques jours plus tard (le 21 mars?), la police accompagnant M. Pradines, juge d'instruction à Bazas, perquisitionna l'Hôtel sans résultat. C'est la nuit suivante que Gasol fit part en détails à sa maîtresse de sa participation à la disparition de Monget. Elle en aurait informé un journaliste qui l'aurait rapporté au juge d'instruction. Dans un courrier elle écrit : « ...le soir même de la visite des agents de la sureté au café de la Gare, Gasol m'a dit que Branchery avait estourbi Monget "derrière le rideau" et qu'il avait aidé Branchery et Parrot à porter le cadavre à la Garonne, à 1 heure et demie du matin ».

Henri Parrot, dit Garnuche, à peine âgé de 20 ans était employé par le couple Branchery comme garçon de café. Déjà condamné, il était sous les verrous suite à une instruction du parquet de Bazas pour vol qualifié.

Henri Parrot dit "Garnuche"

On peut s'étonner de voir deux versions aussi divergentes des faits courant sur une période assez courte. Henriette Courrèges avait-elle quitté Langon pour Bordeaux ? Etait-elle revenue à Langon précisément le lendemain ou le surlendemain du crime ? Etait-elle présente quand la police perquisitionna l'Hôtel ou Gasol s'était-il déplacé à Bordeaux, voire à Angoulème ? Difficile à dire, difficile aussi de comprendre pourquoi Henriette Courrège n'accepta de parler devant le juge de Bazas qu'à condition que Lucia Branchery soit arrêtée.

 

 

Résumé du récit de Gasol

Il serait arrivé au Café de la Gare le 6 février a 17h. et Branchery lui aurait demandé de l'aide. Un peu plus tôt, revenant de tournée, M. Monget aurait déposé sa bicyclette à l'entrée de l'hôtel, disant qu'il devait faire une course et qu'il reviendrait sous peu. Auparavant, il aurait confié à Lucia qu'il devait encaisser une grosse somme, ce qu'elle aurait répété à son mari. Les deux auraient alors monté un stratagème pour tuer l'assureur et le délester de son bien, Lucia se chargeant d'entrainer Monget à l'écart pour une entrevue « galante », Branchery et Parrot s'occupant de l'assomer par surprise et de le dépouiller. Le plan sordide fut mis en branle, Parrot fracassant le crâne de Monget d'un coup de marteau, Branchery l'imitant derechef. Comme il vivait toujours, ils le descendirent à la cave et l'étranglèrent avec un torchon roulé.

 

 

Le crime vu par l'illustrateur du Petit Journal

 

La cave. Aujourd'hui, le bâtiment n'abrite plus l'hôtel, ni le "Cercle de l'union qui lui a succédé. C'est une maison privée. Il ne reste plus que des vestiges de la murette à droite, mais une partie de l'appentis où se trouvait la sortie de la cave existe encore.

C'est là que Branchery lui demanda de l'aider pour le transport du corps. Parrot et Branchery chargèrent le cadavre dans une brouette et vers 1h du matin, le trio sortit par la cave et se dirigea vers la Garonne par le "sentier des amoureux" qui longe la voie ferrée. Parrot ouvrait la marche armé d'un révolver « au cas où » tandis que Gasol et Branchery  se relayaient pour pousser la brouette. Personne ne dit qui s'est occupé de démonter la bicyclette, ni comment elle fut transportée jusqu'au fleuve. Arrivé sur un rocher en aval du pont de chemin de fer, ils balancèrent la dépouille de Monget à l'eau, Parrot et Branchery le tenant par la tête et lui par les pieds.

Le sentier des amoureux

Le début de la fin

Certes, les déclarations d'Henriette Courrèges concernant le déroulement du drame demandent à être vérifiées. Mais certains détails, comme le fait que bien que Branchery niât l'avoir jamais rencontré, elle confirme avoir déjà vu l'assureur à l'hôtel ou qu'elle décrive son ex patron comme un homme très violent apportent quelque crédit à son récit.

Lucia Branchery est arrêtée le soir du 6 mars, à la descente du dernier train de Bordeaux où elle s'était rendue, allant rejoindre les trois autres protagonistes du crime en prison.

 

(A suivre)

Les diverses informations sont tirées de l'article d'André Sapaly "Le crime de Langon (1907)" - Cahier du Bazadais n° 101 et du livre de Jean-Charles Gonthier "Les nouvelles affaires criminelles de Gironde" - chapitre "La maison de l'amour et du crime"- De Borée éditions. La majorité des cartes postales est tirée du livre de Paul Perrein "Images d'autrefois de Bordeaux et de la Gironde" - Editions Pierre Faniac. Ces trois ouvrages peuvent être consultés à la bibliothèque de Siriona, maison des associations de Podensac.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article