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LE CRIME DE LANGON (3ème partie)

Une fois les suspects arrêtés sur les allégations d'Henriette Courrèges, reste à prouver leur culpabilité.

L'enquète

Quoiqu'en dise la presse et même s'il est évident que l'arrestation de Lucia Branchery marque une étape dans la possible résolution de l'affaire Monget, l'enquête piétine. A part des dépenses récentes difficilement justifiables, une incohérence dans les propos des uns et des autres et les déclarations d'Henriette Courrèges, toujours niées par Gasol, la justice n'a pas grand chose à se mettre sous la dent, d'autant que le cadavre de la victime n'a toujours pas été retrouvé.

Du 11 au 21 mars des recherches sont entreprises en présence du parquet. On sonde la Garonne aux alentours des rochers près du pont de chemin de fer, en présence du Docteur Papon, maire de Langon et du préfet de la Gironde.

Ces recherches attirent une foule de curieux, si bien qu'on dénombre 2000 personnes le premier jour et jusqu'à 4000 le 15 mars. Le 21 mars, une fillette tombe à l'eau bousculée par les badauds.

La foule au pied du pont de chemin de fer

Ces recherches sont stoppées à cause du danger que représente un courant rendu dangereux par une crue de la Garonne.

Comme on le voit, le fort courant et l'eau qui a submergé le rocher ne facilitent pas les recherches.

Pendant ce temps, Henriette Courrèges, devenue une vedette locale, parade dans les rues de Langon suivie d'une foule « d'admirateurs », signant des autographes sur des cartes postales. Une personne généreuse sous couvert d'anonymat lui offre pour 180 francs de vêtements dans un grand magasin de Bordeaux. Quand elle s'y rend, elle est attendue à la gare par une « escorte » dense qui l'accompagne dans toute la ville. Convoquée au palais de justice de Bazas, elle draine les curieux derrière elle...

Il semble que la population ait été touchée par cette fille perdue en instance de rachat, ce qu'un journaliste du « Nouvelliste » résume assez bien : « Une nature peut-être dévoyée, mais au fond sincère et intéressante » (*)

Une nouvelle perquisition a lieu au café de la Gare où, malgré qu'on ait creusé les caves, on ne trouve guère qu'une matraque. Certains commencent à se poser la question de la crédibilité des déclarations d'Henriette Courrèges et de la bienveillance de la justice à son égard. Elle adresse au journal « La Petite Gironde » une lettre à l'orthographe approximative : « ...je répaite que Gasol m'a dit que Branchery avé estourbi Monget derrière le rideau... »(*)

Jamais à court de révélations, c'est elle qui indique que Parrot avait converti un louis de 40 francs (venu sans doute de la poche de Monget) chez un changeur et fait laver quelques jours plus tard à Floirac un pantalon taché de sang. Ici encore, Gonthier propose une autre version: c'est Gasol avec qui elle est en goguette qui propose de payer l'addition dans un café proche de la gare avec une pièce d'argent de 40 francs et c'est lors d'une confrontation entre les amants dans le cadre de l'instruction que Gasol admet son rôle dans la disparition de Monget.

Le 24 Mars, « La Petite Gironde » annonce les aveux de Gasol, ce dernier confirmant que bien que n'ayant pas participé au meurtre, il avait aidé Branchery et Parrot à se débarrasser du corps. Il convient avoir touché 250 francs pour ce "service rendu".

Peu après, Parrot avoue avoir porté le premier coup à Monget avec un marteau servant à casser le charbon, après quoi Branchery l'aurait frappé une seconde fois, puis étranglé avec un torchon roulé et descendu à la cave. Bien que les deux dépositions désignent Lucia comme celle qui a eu l'idée du crime et attiré Monget dans un guet-apens, elle n'avoue que quatre jours plus tard tout en niant la préméditation. Quant à Branchery dont les versions des faits ne cesse de varier, il rejette tous les torts sur Parrot.

L'engouement des populations locales ne fait que grandir. On soudoie un gardien de la prison de Bazas pour qu'il laisse entrevoir les assassins à travers le guichet de leur cellule. Parrot est celui qui attire le plus les regards, «...petit crevé presqu'imberbe, à la figure d'apache, déjà fatiguée par les excès... » d'après le Journal de La Réole (*), il est aussi celui qui, dans sa cellule écrit des vers :

« Pour ce bouge plein d'épouvante,

Il faudrait comme pour l'enfer,

Une enseigne écrite par Dante

Avec une grande plume de fer. »

Le 29 mars à la foire de Langon se produisent les premiers auteurs de complainte , le même jour, la presse locale est dévalisée.

On décide d'une reconstitution, mais le fait qu'elle puisse attirer au moins 10000 badauds et au vu des forces de l'ordre à mobiliser pour les contenir, on se contente de reconstituer, de nuit et à la lumière artificielle (breveté A. Lines) le transport du cadavre jusqu'au rocher.

Quoi qu'il en soit, Henriette Courrèges entretient sa popularité. Elle se multiplie, pose pour les photographes, participe à l'enquête et continue de faire des révélations à la presse.

Ceux qu'on appelle maintenant « les bandits de la gare » auraient trempé dans plusieurs assassinats : un couple âgé à Brannens en 1902, Une vieille buraliste de Pompéjac en 1903, un marchand de bestiaux enterré du côté de Fargues... Du coup, la rumeur attribue tous les crimes non élucidés de la région à Branchery et sa bande.

Gasol, confronté à Henriette, nie être en cause dans cette série d'assassinats exception faite du crime de Langon.

Les recherches dans la Garonne reprennent début avril, attirant toujours une foule prête à s'enflammer.

On acclame le passage du parquet sur le remorqueur des ponts et chaussées, on applaudit le scaphandrier Dubagnette (1) chaque fois qu'il remonte à la surface une pièce de la bicyclette du pauvre Monget.

 

 

Les recherches menées par le scaphandrier Dubagnette aboutissent enfin. Sous les acclamations, il remonte une à une les pièces de la bicyclette du pauvre Monget. 

Parallèlement, une montre en or, une chaine et un médaillon en or ainsi qu'une bague du même métal appartenant à Monget sont retrouvés au mont de piété de Toulouse après avoir été gagés à Agen... Mais le corps de l'agent d'assurance reste introuvable.

Un article du "Petit Parisien" daté du 4 Avril relate les trouvailles de Dubagnette ainsi que la découverte des bijoux de Monget.

Chaque fois qu'un corps est repêché dans la Garonne, on soupçonne qu'on a enfin retrouvé l'assureur. Une femme, sur le bac reliant Beautiran à Baurech désigne au passeur un corps flottant, ce n'est pas Monget (**). Ce n'est que 264 jours après le crime qu'un certain Clovis Combes, gabarrier à Lavardac, découvre à Bordeaux, à hauteur du cours du Médoc le corps d'un noyé que la famille s'empresse de reconnaître. Le gabarrier encaisse 1000 francs de récompense offerts par la famille à qui retrouverait le corps de Monget. La famille empoche 25000 francs de l'assurance vie contractée par le défunt. Le 3 novembre à Blaignac une foule nombreuse accompagne Jean Théodore Monget jusqu'à sa dernière demeure.

 

(1) A. Sapaly l'appelle Dubagnet dans son article, mais les documents d'époque parlent de Dubagnette.

(*) Cité par A. Sapaly – Cahiers du Bazadais 101

(**) Selon la version de J-C Gonthier, le corps repéché entre Baurech et Beautiran serait bien celui de Monget.

(A suivre)

Les diverses informations sont tirées de l'article d'André Sapaly "Le crime de Langon (1907)" - Cahier du Bazadais n° 101 et du livre de Jean-Charles Gonthier "Les nouvelles affaires criminelles de Gironde" - chapitre "La maison de l'amour et du crime"- De Borée éditions. La majorité des cartes postales est tirée du livre de Paul Perrein "Images d'autrefois de Bordeaux et de la Gironde" - Editions Pierre Faniac. Ces trois ouvrages peuvent être consultés à la bibliothèque de Siriona, maison des associations de Podensac.

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