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Marc Dubourg : L’effervescence au lendemain de la guerre

Suite des entretiens avec Marc Dubourg démarrés le 18 décembre dernier...

extrait Vignes et vins n°79 juin 59

extrait Vignes et vins n°79 juin 59

Ce sont les guerres qui nous ont fait changer le plus. Pendant longtemps on a travaillé de manière traditionnelle, comme depuis toujours ; ça allait bien… ça allait moins bien… les gens prenaient des précautions… pour tenir tant bien que mal.

En 1943, à ma majorité, j’ai dû interrompre ma vie à Landiras. J’avais fait une demande de sursis au motif de rester sur l’exploitation. Ça n’a pas marché. J’au dû partir deux ans en Allemagne comme manœuvre dans un atelier de réparation des chemins de fer. En 1944, lors d’une attaque aérienne, j’ai été blessé en dégageant les voies alors que tout le monde était parti aux abris. J’avais dit que je ne savais pas conduire mais il m’a été répondu que je travaillais comme mécanicien depuis six mois, alors… Il est vrai qu’une machine à vapeur, c’est simple à conduire, il y a une marche avant et une marche arrière. Je savais comment augmenter ou baisser la vapeur.

De retour après l’armistice, les choses ont changé radicalement.

J’avais connu André Lurton avant la guerre, quand on a lancé le mouvement de la JAC, la Jeunesse agricole chrétienne. C’est au sein de celle-ci que j’ai bien connu l’abbé Bridet qui avait un an de plus que moi. Il avait abandonné le séminaire pendant la guerre parce que son frère, viticulteur à Sainte-Croix-du-Mont, était prisonnier. Pendant la durée de la guerre il s’est occupé de l’exploitation et est retourné ensuite au séminaire.

Aussi quand, en 1949, André Lurton a démarré le Syndicat des Jeunes Agriculteurs, j’ai rapidement adhéré. La majeure partie des paysans de l’époque n’avait aucune instruction, ils savaient juste lire, écrire, compter… On a lors créé les Groupements de  Vulgarisation Agricole pour Adultes afin de faire évoluer la façon de travailler

Lors de réunions à Cadillac les conseillers agricoles, MM. Dualé, Lepers et De Buddler abordaient la gestion des domaines, la production, la vente, les investissements, les CUMA…, tout ce qui concernait l’exploitation et sa modernisation. Il fallait remettre sur le bon chemin une agriculture en retard afin d’assurer la nourriture des Français.

extrait Vignes et vins n°79 juin 59 CETA 2

En 1953, pour faire face à un renversement de la conjoncture du marché du vin (c’était la première fois depuis 1939), au changement perceptible des goûts des consommateurs et à la revalorisation brutale des salaires agricoles (80% à 90% de hausse entre mai 1950 et mai 1952) de jeunes agriculteurs décidèrent, à l’initiative de Pierre Médeville, qui était lui aussi de mon âge, de la création du Centre d’Etudes Techniques (CETA) de Cadillac. Il s’agissait pour eux de tester puis implanter un « nouveau vignoble » inspiré de la méthode de l’autrichien Lenz-Moser. Un vignoble d’étude pour réaliser ce programme était implanté en avril 1954 chez Jean Perromat à Cérons : les premières vignes hautes et larges apparurent ainsi en Gironde. A Sauternes on prétend que plus le raisin est près de la terre, plus le vin est de qualité. Or, plus les vignes sont hautes, plus on peut les travailler facilement ; plus les vignes sont larges, plus on peut les travailler facilement par des tracteurs traditionnels. Cela permet de réduire les coûts de main d’œuvre et de rentabiliser plus aisément les exploitations. Ensuite on est revenu aux vignes classiques...

 

Les journées de Donzac… mais aussi de Landiras

L’action des groupements de vulgarisation agricole s’est traduit aussi par l’organisation de foires expositions de matériel avec des démonstrations. La première eut lieu les 8 et 9 juin 1947 sur la commune de Landiras. Sous le patronage des journaux agricoles « Jeune force rurale » et « Le foyer rural », elle a été animée par les Père Serve, ingénieur agronome, chef d’études du Centre national d’études rurales avec la participation de Charles Bouilleau, régisseur du château Loudenne à Saint-Germain d’Esteuil, d’Henri Séraphon viticulteur à Monprimblanc, de Jacques Guillot-de-Suduiraut, viticulteur et futur maire de Rions, de Paul Boyreau, viticulteur futur maire de Saint-Morillon et Joseph Bravo, viticulteur à Barsac, château Caillou.

A la suite de conférences et entretiens, des démonstrations eurent lieu sur le terrain avec tracteurs à roues et à chenilles : on a estimé à environ 50 personnes les agriculteurs et viticulteurs présents à cette première manifestation de motoculture. Cet essai ne fut pas renouvelé.

Le Centre départemental des jeunes agriculteurs (CDJA), filiale de la FNSEA, avec l’aide des conseillers agricoles animateurs du CETA de Cadillac et en mobilisant les forces novatrices des cantons de Cadillac et de Podensac prit le relais grâce au dynamisme de Joseph David, maire de Donzac. J’ai bien connu Joseph David et son frère Jacques, maire de Cadillac, qui était de mon âge et avait comme moi été déporté du travail. 
      Joseph David s’est appuyé sur des constructeurs et des représentants de matériel agricole et sur l’Institut Technique du Vin (ITV) pour organiser pendant des années le rendez-vous du Monde agricole de la Gironde et des départements voisins. C’est après ces journées de Donzac et du château Filhot, quand l’agriculture a pris son essor, que les choses ont changé. J’ai fait partie de ce groupe de Cadillac où les conseillers agricoles étaient là pour donner les coups d’aiguillons. On ne pouvait pas se moderniser, avoir du matériel sophistiqué et vivre comme avant. C’est pour cela que la monoculture est arrivée, la vigne devenant le plus important et le reste accessoire. 
(à suivre)


 

 A Cadillac en 1954 (extrait CD souvenir MotovitiDonzac réalisé en 2009 par l'Amicale donzacaise. Consultable la bibliothèque de Siriona à Podensac)

Livret des 14e démonstrations de motoviticulture (coll. Marc Dubourg)

 

Au château Filhot en 1968 (extrait CD souvenir MotovitiDonzac)

Sur la question de la modernisation du vignoble au lendemain de la seconde guerre mondiale, la revue Siriona a déjà proposé deux articles dans les numéro 6 d'octobre 2016 et 12 d'avril 2018. Sur ce blog on peut revoir aussi  plusieurs articles, présentations de livrets, etc... en effectuant des recherches par mots clés tels démonstrations, Cadillac... De nombreux documents, tels les cahiers de marc Dubourg numérisés sont également consultables à la bibliothèque Siriona à Podensac.

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