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Relire les terroirs de l’Entre-deux-mers girondin (chap. 3) : au 19e des terroirs viticoles qui s'affirment

Relire les terroirs de l’Entre-deux-mers girondin (chap. 3) : au 19e des terroirs viticoles qui s'affirment

Au cours du 19ème siècle, avec l’apparition des premiers cadastres et autres documents statistiques, avec la floraison d’ouvrages décrivant l’ensemble des vignobles girondins, l’on dispose de précisions supplémentaires.

On nomme pays d’Entre-deux-Mers celui compris entre la Garonne et la Dordogne : il est borné par les palus qui forment les bords de ces rivières et par les coteaux  qui bordent les palus. Les vignobles dits d’Entre-deux-Mers ne produisent que des vins de basse qualité ” (A. Julien, Topographie de tous les vignobles connus, Paris, 1822).

            Quelques lignes plus haut, le même auteur précisait “ Les palus sont les alluvions formées par les rivières de Garonne et de Dordogne ; on y récolte des vins qui ont en général une couleur très foncée, beaucoup de corps, et qui sont durs et même grossier pendant les premières années ; mais en vieillissant, et surtout en voyageant par mer, il en est qui acquièrent une excellente sève et une partie des qualités que l’on estime dans les crus les plus renommés. Ces vins sont ordinairement appelés vins de cargaison, parce qu’on les choisit de préférence pour les expéditions lointaines. Les meilleurs sont souvent employés à donner du corps aux vins du Médoc, quand ils en manquent.

Les Côtes sont les collines qui bordent la Garonne et la Gironde, depuis Langon jusqu’à Blaye. Les vins qu’elles produisent ont une belle couleur et beaucoup de corps

Les décennies qui suivent ne font que préciser la cartographie d’entités toujours plus affirmées, à la faveur des crises de la fin du 19ième siècle, avec notamment la multiplication des groupes de défense et les débuts de l’organisation professionnelle de la viticulture. C’est ainsi que se constituèrent dans la région de l’Entre-deux-Mers, dès 1884, le Syndicat du Comice agricole et viticole de Cadillac, celui du canton de Targon, en 1885 celui de l’arrondissement de La Réole (lequel comptait alors les cantons de La Réole bien sûr mais aussi de Monségur, Pellegrue, Sauveterre, Saint-Macaire et Targon), puis ceux de Sainte-Foy-La-Grande et même de Saint-Quentin-de-Baron. Si le dernier nommé concerne une seule commune, le canton apparaît alors comme l’entité de référence et l’on remarque déjà l’opposition entre les cantons des vallées avec Cadillac et Sainte-Foy-la-Grande qui se démarquent du cœur de la région.

La viticulture n’est pratiquement jamais une monoculture : les vignes sont intégrées dans un système de polyculture fournissant sans doute davantage un produit de consommation familiale qu’une ressource régulière à la vente ; elles étaient le plus souvent menées en joualles et une partie des vins étaient distillés.

 

Les vignes et les joualles en Entre-deux-Mers en 1874 (Source Statistiques Féret)

La zone étudiée est loin de donner une image homogène et ses franges nord, à la fois proche de la Dordogne et de Bordeaux et ouest, proche de la Garonne, connaissent une domination sans presque sans partage des vignes pleines alors que les joualles l’emportent à l’est. Le nombre d’agriculteurs et singulièrement de viticulteurs y est très important mais les « gros » producteurs sont par contre en effectif réduit.

Les périodes difficiles de la fin du 19e avec les grandes pandémies (oïdium, black-rot, mildiou...) et l'invasion du phylloxera se traduisent par une reconstruction volontariste du vignoble incarnée notamment par le Comice agricole et viticole de Cadillac, telle qu'il est possible de le découvrir sur ce blog. Il s'en suit un nouveau vignoble plus productif pour affronter les crises et les grands changements du débuts du 20e siècle.

Relire les terroirs de l’Entre-deux-mers girondin (chap. 3) : au 19e des terroirs viticoles qui s'affirment

Ainsi à la veille des grandes manœuvres que furent la mise en place des appellations d'origine contrôlées, l'Entre-deux-mers viticoles présente des paysages contrastés. La production des vins blancs l’emporte seulement à l’intérieur du plateau, alors que les bordures tant à l’ouest qu' au nord, voire au sud dans les pays macarien et réolais restent dominées  par des vins rouges. Il s’agit là de vins de côtes mais aussi de vins de palus, ces derniers étant surtout récoltés  dans la pointe de l’Entre-deux-Mers représentée par la presqu’île d’Ambès.
Seule la partie centrale des Côtes de Bordeaux, en pays de Cadillac, livre des vins blancs de grande renommée. Le proche Entre-deux-Mers des plateaux dans les cantons de Carbon-Blanc et de Créon, grossièrement de part et d’autre des routes Bordeaux-Libourne et Bordeaux-Branne, est déjà fortement producteur de vins blancs même si les rouges restent présents.

 

Le centre de l’Entre-deux-Mers (approximativement les cantons de Targon et de Sauveterre qui forment le cœur de la future appellation homonyme)) est par contre largement marqué par la production quasi exclusive de vins blancs, le rouge n’apparaissant que vers Pellegrue et en pays foyen. Le sud-est de la région (canton de Monségur et Réolais) montre enfin un aspect différent : la production viticole y est faible, plus blanche que rouge mais assez marginale dans l’économie rurale : on est déjà en pays bazadais comme au sud de la Garonne, où la viticulture n’est qu’un élément d’une polyculture de type agenais, à côté des herbages et des céréales. Le nord de la presqu’île, à proximité de Bordeaux produit surtout des vins rouges, de côtes ou de palus qui jouissent d’une bonne réputation et se vendent en primeur entre 300 et 500 fr. alors que les blancs, moins prisés ne dépassent pas 250 fr.  La situation est à l’identique ou presque dans les cantons des rives de Dordogne où les rouges de côtes ou de palus toujours se négocient à un niveau à peine inférieur, de 200 à 400 fr. quand les vins blancs n’obtiennent que 150 à 200 fr.
Sur le plateau intérieur, dans le Créonnais central et oriental, dans le Pays de Benauge et dans le Sauveterrois où la production de vins blancs l’emporte notoirement, les vins blancs ne dépassent jamais 120 fr., descendant souvent à 80 fr. alors que les rouges, peu nombreux à être commercialisés, s’enlèvent entre 150 et 200 fr. toujours le tonneau nu, et peuvent atteindre 250 à 300 fr. Dans chaque commune ou presque, l’ouvrage de Féret mentionne un ou plusieurs propriétaires, qui, à partir de cépages fins, produisent ainsi des vins dont la qualité est sans comparaison avec celle de la majorité des vins blancs. Grosse productrice de vins blancs médiocres destinés à la distillation le plus souvent, l’Entre-deux-Mers recèle donc dès cette époque des vignobles de vins rouges de qualité, majoritaires au nord, minoritaires mais non moins représentatifs d’un patrimoine local sur tout le plateau et pour être complet sur les coteaux dominant la Garonne dans le Réolais.

 

Cette géographie assez complexe est alors le "terreau" sur lequel va se mettre en place la nouvelle organisation viticole dans la première moitié du 20e siècle.

(à suivre)

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