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1904 La crise des vins en Gironde

Siriona poursuit ici la relecture des terroirs bordelais au début du 20ème siècle initiée avec l'article "1903 La vigne et le vin en Gironde" (voir https://siriona-rives-de-garonne.over-blog.com/2023/08/1903-la-vigne-et-le-vin-en-gironde.html ).

 

 

1904 La crise des vins en Gironde

 

Dans le contexte contemporain de crise des vins rouges en Bordelais, alors que de nombreux vignobles ne se portent pas si mal et que les grands crus atteignent des sommets, la crise que le texte ci-dessus relate nous renvoie à la saga du vignoble bordelais. Cette histoire met en évidence une alternance  d'âge d'or et de crises qui, de 1153 à nos jours, a construit un récit dans lequel il ressort que chaque période de crise débouche sur une réorganisation du vignoble suivie d'une phase d’expansion, assortie de progrès qui relancent de façon remarquable le vignoble bordelais.

Ce récit peut se scinder en deux parties inégales dans le temps qui correspondent aux deux phases de développement du vignoble. La première correspond à l’aventure maritime, celle d'une construction lente (7 siècles de 1453 à 1850) liée à une implantation définitive, confirmée par l'idée que le Bordelais est bien une terre à vigne. 
 

La construction lente du vignoble bordelais

 
Deux « Ages d’or » et deux « crises » composent cette longue période de sept siècles, durant laquelle ce vignoble bordelais s’est imposé comme l’un des plus grands. Le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri de Plantagenêt a marqué le début du commerce maritime bordelais dans les courants d'échanges renaissant sur les mers après l’atonie consécutive à la fin de l’Empire Romain. Cet essor, lié à une forte demande de consommateurs extérieurs qui n'hésitaient pas à venir se ravitailler eux-mêmes, correspond à la véritable naissance du vignoble moderne alors que les vignes occupaient les rives de la Garonne depuis des temps très anciens mais de façon très localisée.  Cette demande a poussé la région à développer l'offre.
Pendant trois siècles, jusqu'en 1453 où lors de la bataille de Castillon le roi de France reprit Bordeaux, l'économie viticole bordelaise a ainsi reposé sur un seul importateur, l'Angleterre. Au-delà du Bordelais  tous les vins du haut pays et de Gascogne ont aussi tiré bénéfice de ce courant commercial. 
Après 1453, ce commerce connut une stagnation et un déclin pendant la fin du XV siècle et au cours du XVI siècle. Les flottes anglaises se détournèrent de la France et s’approvisionnèrent alors dans la Péninsule ibérique. Ce fut la première crise.
Dès la fin du XVII et jusqu’à la fin du XVIII, de nouveaux horizons s’ouvrirent alors avec l’arrivée des Hollandais et la découverte des débouchés vers les pays du Nord. Les goûts n’étaient plus les mêmes, les vins blancs davantage demandés, le vignoble bordelais devait s’adapter à ces nouveaux besoins. Commence alors un 2ème âge d'or : « Le rôle des Hollandais dans l'évolution du vignoble d'Aquitaine alors fut considérable ; avant tout ils confortèrent les bourgeois et paysans locaux à rester fidèles à la vigne. Car les flottes bataves, suivies d'ailleurs un peu plus tard par les Allemands (qu'on appelait alors les Hanséates), venaient chercher des vins dans le port de Bordeaux. Mais les Hollandais s'intéressaient moins que les anglais au claret; ils préféraient acheter en masse des vins blancs de basse qualité qu'ils transformaient en eau-de-vie » .
Avec l’élargissement des horizons au-delà de l’Atlantique le XVIIIe siècle fut pour Bordeaux le véritable âge d’or économique. Le port de Bordeaux était devenu le premier de France et d'occident. La région bordelaise était donc confirmée dans sa vocation viticole, il n'y aura plus jamais de recherche vers une autre spécialisation agricole malgré les vicissitudes. 
En 1789 le déclenchement de la révolution a entraîné le démembrement de nombreux domaines alors que les attaques à l’encontre de l’aristocratie et des négociants étrangers furent incessantes. Non seulement la crise politique interne atteignit les structures des exploitations viticoles mais les crises externes provoquèrent l'arrêt presque total du grand commerce maritime. C'est la 2e grande période de crise.
Le demi-siècle de déclin qui suivit rappelle que : « Le formidable essor de la fin du XVIII siècle, que la Révolution et l’Empire vont casser net, ne doit pas cependant cacher le second fait fondamental des temps modernes dans le vignobles de Bordeaux : l’affirmation des grands vins et, notamment, des grands crus, domaines de tailles diverses qui allaient devenir les châteaux du XX siècle » . 
 

En cela s’annonce déjà la seconde phase de développement et la mise en place du vignoble contemporain. Malgré les périodes difficiles, le vignoble y poursuivit son extension mais avec des successions d’âges d'or et de crises qui s'accéléraient, les unes et les autres ne durant plus que quelques décennies au lieu de plusieurs siècles.
Commençait alors, une nouvelle période de prospérité, reposant sur une base commerciale une fois encore élargie. Ainsi au second Empire, les progrès des moyens de circulation ont fortement participé à la phase d’essor du commerce intérieur français avec la construction du réseau ferré a joué un rôle déterminant dans l’expansion des échanges sur tout le territoire français. Cet âge d’or, marqué par le classement de 1855, a validé les hiérarchies établies au cours du XVIIIème siècle et dans la première moitié du XIXème siècle entre les terroirs bordelais.
« Le célèbre classement de 1855, dont profitèrent uniquement le Médoc et le Sauternais, plus Haut-Brion en Graves, fut seulement la reconnaissance d’un état de fait de l’excellence des crus, mais aussi l’affirmation, en Bordelais, d’une hiérarchie interne que rien n’allait remettre en cause » .
Du milieu du XIXe jusqu’au début du XXe siècle, les crises agricoles ont pris le pas sur les crises politiques, sans jamais entraîner les conséquences fâcheuses de ces dernières. Cependant elles troublèrent profondément l’économie viticole bordelaise. Les calamités agricoles se sont abattues successivement sur les vignes pendant un quart de siècle : que ce soit l'oïdium, le phylloxera ou le mildiou pendant trente ans, les vignerons virent se succéder ces fléaux qui bien sûr détruisirent une partie du vignoble mais qui les stimulèrent aussi pour lutter et reconstituer un vignoble plus résistant et plus qualitatif. Les techniques, les modes de culture, la vinification connurent à cette époque un élan incontestable et les volumes exportés atteignirent des sommets vers les années 1887-1889. Même si ces calamités ressenties comme de véritables catastrophes poussèrent certains vignerons à abandonner leur terre. 
C’est dans le cadre de cette crise que fut publié le manifeste que SIRIONA propose ci-dessus.

(à suivre)
 

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A
"Après 1453, ce commerce connut une stagnation et un déclin pendant la fin du XV siècle et au cours du XVI siècle. Les flottes anglaises se détournèrent de la France et s’approvisionnèrent alors dans la Péninsule ibérique. Ce fut la première crise."<br /> Cette période correspond à la fin de la guerre de Cent ans et à la peste. Le bordelais n'a plus de bras pour travailler, tout est en friches, même les limites des possessions sont perdues. Les riches possesseurs de terres les d'Albret et l'abbaye de la Sauve entre autre font appel à une population venant du Poitou, Charente, Saintonge, Aunis et Massif Central, Basque. Ce sont ces migrants, appelés Gavaches qui, bénéficiant d'avantages divers, s'implantent et remettent l'économie agricole sur pied. Arrachage de la vigne dans un premier temps puis plantation, indiqué dans les baillettes. Les céréales sont urgentes ainsi que t la remise en état des moulins pour nourrir la population.
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