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Les types de vins partant de Bordeaux au début du 18ième siècle

VUE D'UNE PARTIE DU PORT ET DES QUAIS DE BORDEAUX : DIT LES CHARTRONS ET BACALAN. Auteur : LACOUR Pierre, Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux

VUE D'UNE PARTIE DU PORT ET DES QUAIS DE BORDEAUX : DIT LES CHARTRONS ET BACALAN. Auteur : LACOUR Pierre, Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux

"Les types de vins partant de Bordeaux au début du 18ième  siècle" est un article de Siriona réalisé à partir d'extraits de l'ouvrage de Christian Huetz de Lemps,  Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis XIV, Paris-La Haye, Mouton, 1975, 661.p. Il était alors maitre de conférences en géographie à l'Université de Bordeaux et chercheur au CERVIN. 

Ci-dessous les extraits du texte de Christain Huetz de Lemps sont présentés entre « … », les textes d'introduction et de liaison dus à Siriona sont en italique.

Le vignoble de Bordeaux au 17e siècle, carte de JC Hinnewinkel (2002) à partir des travaux des Historiens médiévistes, tous particulièrement Charles Higounet et Sadrine Lavaud (Université de Bordeaux). Cette carte délimite le 1er "terroir" bordelais qu'est la sénéchaussée.

Le vignoble de Bordeaux au 17e siècle, carte de JC Hinnewinkel (2002) à partir des travaux des Historiens médiévistes, tous particulièrement Charles Higounet et Sadrine Lavaud (Université de Bordeaux). Cette carte délimite le 1er "terroir" bordelais qu'est la sénéchaussée.

Les vins expédiés vers l’Angleterre et les pays du nord de l’Europe au 18ième siècle étaient d'origines multiples et donc de qualités différentes. Leur prix pouvait alors varier dans des proportions considérables. On distinguait alors les vins de ville et les vins de « Haut ». 


« Les vins de ville étaient ceux produits à l’intérieur des limites de la Sénéchaussée et bénéficiant donc du « privilège de Bordeaux ». Les vins de « Haut » étaient ceux provenant du reste de la généralité de Bordeaux ou des généralités voisines comme le Languedoc. Dans les exportations se dégagent alors deux courants majeurs, celui des Anglais qui achetaient essentiellement des vins (chers !) de la sénéchaussée et celui des Hollandais qui s’intéressaient aux petits vins pas chers hors et dans la sénéchaussée. » 
 

 Les vins de ville : des qualités différentes

 

Carte du vignoble de la Sénéchaussée de Bordeaux au début du 18e siècle, par JC Hinnewinkel, CERVIN, 2002. Carte réalisée à partir des mercuriales

La gamme des vins de la sénéchaussée était alors très variée avec des prix très contrastés ainsi que le souligne le tableau du prix des vins de la Chambre de Commerce de Bordeaux pour l’année 1716  : 

« Les vins pour l’Angleterre sont à 4 et 500 livres, les pontacs atteignant 1 000 livres quand ceux chargés pour l’Ecosse et l’Irlande ne dépassent pas 60 écus : les Anglais acquéraient des vins de hauts prix qu’ils trouvaient à leur goût. Les Hollandais achetaient surtout des vins blancs à petits prix de moins de 60 écus et quelques vins rouges du même ordre. La valeur moyenne des vins de ville expédiés en Hollande ne dépassait pas 100 lt, soit deux à trois fois moins que ceux achetés par les Britanniques. Quant aux vins de Blaye ils atteignent rarement 75 lt. 
Au début du XVIIIe siècle, le tableau suivant montre avec précision l’origine et la valeur des vins expédiés à l‘étranger par les ports de l’actuel département de la Gironde.  Il dessine ainsi une carte assez précise des « terroirs » de l’époque et des dénominations sous lesquels ces vins franchissaient les mers et les océans.

 

 

Les prix des vins de 1717 à 1721

Les prix des vins de 1717 à 1721

Si l’on suit Bazin de Bezon , il y a alors trois « cantons » (on dirait aujourd’hui « terroirs ») dont les vins se vendent chers, les prix les plus élevés étant ceux des vins rouges des graves des environs de la ville de Bordeaux. Vient ensuite un second canton, celui du Médoc où les labours avec les bœufs expliquent des prix de revient moins élevés. Enfin le troisième canton est celui du sud de l’actuelle Gironde, de part et d’autre de la Garonne au droit de Langon et Barsac où les vins les plus estimés sont des vins blancs. Les autres cantons réputés sont ceux du Bourgeais, bons mais moins côtés. » 

Les prix des vins fixés par le Jurade de Bordeaux en 1647 en présence des négociants flamands et anglais (Archives municipales de Bordeaux) et sa transcription cartographique (Source CERVIN, JC Hinnewinkel 2002). Il s'agit de le 1ère mercuriales connues à ce jour des vins de Bordeaux.


Les vins les plus chers et donc considérés comme les plus qualitatifs partent pour l’Angleterre. Cette perception de la qualité évolue rapidement au cours du 18ième siècle. Alors qu’en 1647 le rapport entre les prix des vins d’un même cru était de deux, en 1729, il était passé à treize pour les vins rouges, restant à deux pour les blancs et en 1767 il atteignait 20 pour les rouges. Ch. Huetz justifie cette évolution par des pratiques vitivinicoles de plus en plus soignées dans les cantons producteurs de « grands vins » (p. 194)… Les différences entre les vins de Graves et de l’Entre-deux-Mers étaient donc considérables. Pourquoi cette différenciation ? Pourquoi certaines régions continuaient d’alimenter les marchés en vins « ordinaires » de l’année quand Graves et  Médoc se tournaient vers des vins vieux de « qualité » ? Pour Christian Huetz-de-Lemps : 

 

« Plus que la qualité intrinsèque des cantons en cause, il faut sans doute y voir l’influence des marchés et la fermeture partielle du marché anglais avec l’instauration d’une taxe de 55 livres par tonneau. La seule chance de survie pour leurs fournisseurs traditionnels fut dès lors de mettre sur le marché des vins chers, donc plus élaborés et surtout « vieux », ce que permirent progressivement les innovations agronomiques et œnologiques. Les régions pourvoyant les autres marchés ne durent pas faire ses efforts pour maintenir leurs positions, ce qui expliquerait pas la suite leur retard, lequel fut ensuite très long à rattraper. Le vieillissement apparaît alors comme le couronnement d’une lente amélioration de la qualité de la production en Médoc et dans les Graves dès la fin du XVIIe siècle. 

Ainsi au début du XVIIIe siècle s’opposent de plus en plus vignobles de « grands vins de Bordeaux » et vignobles de « petits bordeaux », un trait que reste jusqu’à nos jours une constante du Bordelais. Dans le marché des vins, place considérable de l’Angleterre si l’on se réfère à la valeur : 30 à 40% de la valeur des exportations de vins de ville contre 45 à 52% pour la Hollande qui par ailleurs achète plus de 90% des vins de haut qui représentaient souvent le tiers des vins chargés dans les ports de la sénéchaussée. »

Le Port de Bordeaux vue du faubourg des Chartrons, Herman van der Hem bibliothèque nationale autrichienne de Vienne - Atlas Blaeu

Le Port de Bordeaux vue du faubourg des Chartrons, Herman van der Hem bibliothèque nationale autrichienne de Vienne - Atlas Blaeu

Les vins de haut

 

« Ces vins de haut faisaient vivre de nombreux cantons de l’actuel Bordelais dont le Bazadais, où la vigne était intégrée à une polyculture vivrière dont elle constituait la principale culture commerciale permettant de payer la taille. C’était aussi le cas de l’Agenais alors que la culture de la vigne était déjà très spécialisée en Bergeracois ou dans les environs de Cahors et de Gaillac.  Par la Garonne descendaient également en petites quantités des vins du Languedoc.
Au début du XVIIIe siècle, les vins de Bergerac étaient les plus abondants représentant souvent près e 50% des volumes des vins de Haut expédiés par Bordeaux. Il s’agissait souvent de  vins de prix d’une valeur de 140 lt en moyenne quand les « vins de ville »  ne dépassaient pas 75, ceux de Castillon et Bourg 50 et ceux de Blaye 45. En 1718, seuls les vins de ville expédiés en Angleterre les dépassaient en atteignant 180 lt le tonneau en moyenne. En 178, les vins e Bergerac représentaient 50% des exportations de vins de haut et 21% du total des exportations.   Incontestablement ce commerce était lié à la diaspora protestante en Hollande et dans les pays du Nord après la révocation de l’Edit de Nantes.
L’Agenais fournissaient également de grandes quantités de vins  et  . Le Bazadais avait également une production suffisante pour alimenter les exportations. En dehors de la généralité,  Cahors et Gaillac expédiaient également des vins réputés vers Bordeaux. »

 

d'autres vins

« venaient du Languedoc des vins de prix, essentiellement des muscats, réexpédiés vers l’Angleterre et les pays du Nord mais aussi des vins de qualité plus courants envoyés à Paris via Bordeaux. » 

 

Christian Huetz de Lemps, né le 12 mai 1938 à Charenton-le-Pont et mort le 3 octobre 2017 à Villenave-d'Ornon, était professeur de géographie de l'Université de Bordeaux et membre fondateur du CERVIN avec son frère Alain, Philippe Roudié et Réné Pijassou, tous trois également professeurs de géographie à Bordeaux.

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