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Retour sur un certain âge d'or du cyclisme. le Critérium de Barsac (1954-1967)

De l'après-guerre aux années 70, il n'était de village, même très humble qui n'ait son équipe cycliste et par conséquent son épreuve annuelle où se mesuraient des coureurs de toutes catégories ; amateurs, semi-professionnels, indépendants et professionnels.

« A l'époque les déplacements n'étaient pas si facile qu'aujourd'hui mais il y avait des courses un peu partout et même en semaine et de plus il y avait du monde sur le bord des routes ! »(1)

Il faut dire que ces critériums, souvent bien dotés en primes diverses attiraient grand nombre de coureurs assurés de faire leur pelote et d'arrondir ainsi leurs fins de mois.

Durant cette période, le Vélo Club Barsacais a organisé sept criteriums entre 1954 et 1967. Cette manifestation attira quelques coureurs de renommée internationale, le grand Fausto Coppi lui-même aurait fait le déplacement jusqu'en sud Gironde pour y participer, ce que confirme Alain Douaut dans un article du journal Sud-Ouest  : « ...Pascal Labadie conserve telle une icône cette photo prise en 1955 où l'on voit son père, coureur indépendant, côtoyer Fausto Coppi dans une échappée. » (2). D'autres grands noms passés depuis dans la légende ont aussi inscrit leur nom au palmarès de la course, nous y reviendrons.

 

Chronologie

Les quatre premières éditions se déroulent annuellement (1954, 55, 56 et 57), puis le critérium devient bisannuel (1959, 61), avant de connaître une éclipse de cinq ans et de revenir sous l'impulsion du président de Pintos et de MM. Desarnaud et Lanneluc (1967). Cette dernière édition sera le chant du cygne de cette manifestation qui voyait se confronter Professionnels et indépendants de tous niveaux ; régionaux, nationaux et internationaux.

Sur ce cliché de qualité médiocre on voit MM Pintos, Desarnaux et Lanneluc posant devant les coureurs avant le départ de l'édition de 1967.

Palmarès

1954

1er - Settimo Sabbadini (France)

2ème – Lucien Lazarides (France)(3)

3ème – Jean-Marie Cieliecka (France)

 

1955

1er – Nello Sforacchi (Italie)

2ème – Sergio Celebrowski (Espagne)

3ème - Jean Hobjanian (France)(4)

 

1956

1er – Louis Bobet (France)

2ème – Jacques Eugène Ernest Anquetil (France)

3ème – Michel Gonzalez (France)

Il est sans doute inutile de présenter les deux premiers, l'un au faîte de sa gloire, l'autre promis à un brillant avenir. Nous verrons par la suite que cette victoire au sprint n'est peut-être pas toute à l'honneur du vainqueur.

 

1957

1er – Raoul Jules Remy (France)

2ème – Roger Chupin (France)(5)

3ème – Henri Sitek (France)

 

 

1959

1er – Jean Dacquay (France)(6)

2ème – Augustin Corteggiani (France)

3ème – Jean Desbats (France)

 

1961

1er – Louis Bobet (France)

2ème – Robert Verdeun (France)

3ème – Raymond Poulidor (France)

Deuxième victoire pour « Louison » Bobet et apparition d'un jeune qui neva pas tarder à faire parler de lui : Raymond Poulidor. Professionnel de 1959 à 1962, Robert Verdeun remporte la classique Bordeaux-Saintes en 1959.

1967

1er- Michel Gonzalez (France)

2ème – Bernard Guyot (France)(7)

3ème – Michel Lescure (France)

 

Le sprint de 1956

Dans un article dont le style roboratif ne manque pas d'emphase titré « Louison BOBET toujours champion - Vainqueur éblouissant du GRAND PRIX DE BARSAC devant Jacques ANQUETIL – Course remarquable de Michel GONZALEZ », le chroniqueur sportif de Sud-Ouest Ch. Bidon décrit la course et ses préparatifs.

« Avant de décrire cette épreuve, il nous faut parler en premier lieu d'une manifestation dont elle était précédée, de l'inauguration du Grand circuit touristique du Sauternais qui se fit avec la participation des champions . Accompagnés des coureurs et d'une foule nombreuse, précédés de la fanfare locale, M. Bernadet, maire de Barsac, M. Louis Ricard, président du Syndicat Vinicole de Preignac et secrétaire du Syndicat Sauternes-Barsac, et des membres de l'ambassade de Sauternes-Barsac (sic) se rendirent donc au débouché du Ciron, où, après qu'il prenait à cet instant le relais du grand as de la chanson française, Maurice Chevalier, MM. Bernadet et Rolland invitèrent Bobet à couper le ruban tricolore symbolique, ce qu'il fit avec une grâce, une parfaite distinction».

Concernant la course elle même, elle se déroula sous le soleil et Ch. Bidon précise « Tout le Sauternais s'était fixé rendez-vous dans Barsac, sa capitale ». Nous passerons sur les « Elégantes et élégants » qui « peuplent les tribunes », non sans saluer « ...deux de nos vieux amis, deux anciens champions ; Emile Poupin, ex-Vélo Barsacais, Tour de France 1904, troisième de Bordeaux-Paris en 1906 ; Ernest Pouquet, auquel le chrono est confié, vainqueur du Grand Prix de Paris derrière tandem an 1910. »

Dès le départ donné par le président du VCB, M. Bertrand de Pintos, « Le peloton démarre à fond et il va nous être donné de relever de suite la conscience, l'apreté avec laquelle les grands routiers vont lutter contre les régionaux ». Aux 29km où Desbats s'empare de la prime, une échappée se dessine emmenée par Michel Gonzalez, lequel raffle « bellement » une prime de 25000F aux 50km. « Les départs, les regroupements sont continuels ». Aux trois quarts de la course, une prime de 50000f revient dans cet ordre à Desbats, Gonzalez et Darnauguilhem.

A l'approche de la fin, sept hommes sont en tête suivis à 400m par un peloton où figure « Louison Bobet » et « il ne reste plus que trois tours à couvrir. Et alors Bobet apparaît. Et aussitôt, le maillot jaune de trois Tours de France successifs va dominer le lot de ses adversaires. En un rien de temps, c'est en trombe qu'il revient, accompagné d'Anquetil, tous deux entraînant Cigano et quelques autres dans leur sillage cependant que certains, désemparés, se retirent. Et c'est le sprint. Bobet émerge, devant Anquetil, devant Gonzalez, Darnauguilhem, Cigano, et c'est la continuité d'un règne extraordinairement brillant, tellement même qu'on en vient à se demander si Bobet ne serait pas en mesure de s'aligner de nouveau dans le Tour de France l'an prochain».

Le sprint avec de gauche à droite L. Bobet, M. Gonzalez, J. Anquetil, Cigano et Darnauguilhem.

Et si le vainqueur avait triché ?

Si les deux premiers de la compétition sont archi-connus, le troisième, Michel Gonzalez mérite qu'on s'attarde un peu sur son histoire. Né à Boucau (64) en 1933, il est renversé par un tramway à l'âge d'onze ans et en garde une faiblesse au bras droit. Après s'être essayé au football à Talence, il se tourne vers le cyclisme et devient vite un espoir régional, passant de l'US Bouscataise aux Girondins de Bordeaux et accumule les victoires et les podiums. De taille moyenne, toujours souriant, il roule bien, grimpe honorablement, mais c'est sa pointe de vitesse qui en fait un excellent sprinteur et un chasseur de prime redoutable qui n'hésite pas à se frotter aux « as ». « Ne croyez pas que je me vante, mais je préfère courir avec les pros qu'avec des amateurs ou des indépendants. Le train est beaucoup plus sévère certes, mais il y a moins d'à-coups et je ne suis pas surveillé ».

Ce que ne dit pas l'article de Ch. Bidon, c'est que la victoire de « Louison » Bobet en ce 14 juillet 1956 pourrait bien être entachée d'irrégularité comme en témoigne Patrick Gonzalez : « J'étais pas né mais je connais ce sprint comme si je l'avais vu (mon père me l'a raconté je ne sais combien de fois). Il avait 23 ans en 1956 et dans cette course, c'était le petit nouveau parmi et autour de ces champions. Il y a eu effectivement un sprint tumultueux, puisque Louison Bobet à 100 mètres de la ligne, a tiré le maillot de mon père pour qu'il ne passe pas devant. Le public a tout vu, mais personne n'a rien dit car il s'agissait de Monsieur Louison Bobet. Total, mon père se retrouve 3ème alors que la victoire était pour lui. Mon père était dans une colère noire et Bobet ou pas, il a voulu le retrouver à l'arrivée. Mais cette année là, il y avait au départ Robert Desbats qui l'a tempéré et empêché de lui mettre son poing dans la gueule. Cela l'a peut-être désservi pour le reste de sa carrière... »(8)

De fait, et parce qu'il ne se laissait pas impressionner, M. Gonzalez acquit la réputation de ne pas se plier à certains « arrangements » liés aux critériums.

« Dans le cyclisme il y a eu d'autres cas. Comme celui du critérium de Labastide d'Armagnac où les consignes données aux amateurs étaient de ne pas gagner, en un mot ne pas battre un pro. En 1968, au cors de sa dernière saison, Gonzalez était passé outre pour battre le Belge George Van Coningsloo, au grand dam des organisateurs. Autre fait connu, le critérium des Monédières où en 1954, Jean Ségurel avait demandé à Valentin Huot, jeune valeur montante, de laisser gagner Louison Bobet... »(8)

Sur le site Sud Gironde Cyclisme (9), Gérard Descoubès renchérit :

Dans les juteux critériums de la région,les pros n'aimaient pas voir le nom de M. Gonzalez sur les listes d'engagés. Ils savaient que pour sauver l'honneur des vedettes il fallait composer avec le petit boucalais. En 1962 pour avoir laissé le grand R. Van Steenbergen à une roue sur la grosse prime, il fut sermonné par les organisateurs. L'année suivante au même endroit tous les pros : J. Groussard, J. Grazyk, R. Wolfshol, J. Gainche, F. Bahamontes etc... se liguèrent contre lui toute la course. Vexé,il resta dans les roues pour venir ajuster tout le monde sur la ligne. Suite à ce second crime de lèse-majesté, il sera interdit de courir à Bourcefranc (17). Une autre fois, à Chef-Boutonne (17), échappé avec R. Altig, il fait toutes les primes à l'allemand. Pour ne pas se montrer trop gourmand, il laisse la gagne à Altig. Malgré cette faveur, il devient indésirable à Chef-Boutonne. Pendant quelques années, il ne sera plus engagé dans les critériums ouverts aux pros... »

1967, comme un air de revanche

Après cinq années d'interruption, le Grand Prix cycliste de Barsac revient au calendrier des courses et critériums régionaux. Couru sur un circuit de 1450 mètres tracé à l'écart du bourg, il voit s'aligner une vingtaine de coureurs de renommée régionale comme M. Gonzalez ou M. Ben-Brahim ou nationale comme Jean-Claude Lefèvre ou Francis Campaner lesquels se disputeront dans cet ordre la course par élimination préliminaire au critérium proprement dit. Celui-ci se déroule à vitesse soutenue et à une trentaine de kilomètres de l'arrivée, un groupe constitué de Bernard Guyot, Michel Gonzalez, Michel Lescure, Guy Epaud et Marius Archambaud se détachent jusqu'à prendre 37 secondes au peloton qui ne parviendra jamais à les rattraper. L'affaire se règle au sprint où Michel Gonzalez bat Bernard Guyot, s'adjugeant une victoire qui ressemble à une revanche.

M. Ben-Brahim et M. Gonzalez

A l'arrivée, M. Gonzalez à gauche et Bernard Guyot à droite.

1- Hubert Latrille dit « Pompon », coureur régional de 1949 à 1966. Dirigeant et président du Vélo Club Barsacais et « speaker » occasionnel.

2- Le comédien Pascal Labadie est le fils de Max Labadie et lui-même ancien coureur amateur au VC Barsac. L'article est daté du 16 juillet 2021.

3-Lucien Lazarides, professionnel de 1947 à 1956, 3ème du tour de France 1951 et double vainqueur d'étape (1954, 1955), 3èm e du Dauphiné libéré (1951).

4-Vainqueur du Tour de Tunisie (1955)

5-Deux fois sur le podium du grand prix de Plouhay (1946,47), une étape au tour du Portugal(1948)

6-Jean-Claude Dacquay, champion de France amateur sous les couleurs du VC Barsacais (1951), neuvième aux championnats du monde amateurs la même année. Une étape au tour d'Algérie (1953) et du Maroc (1955)

7-Professionnel de 1967 à 1972. Deux étapes contre la montre : Paris-Nice et Quatre jours de Dunkerke, Tour de l'Hérault, 2ème de Paris-Nice, 2ème du Grand Prix des Nations, 3ème des Quatre jours de Dunkerke (1967),une étape au Tour du Luxembourg (1968), trois podiums au Championnat de France sur Route (1968, 69 et 72).

8-Site « Vélodordogne » http:/velodordogne.canalblog.com.

On peut aussi consulter le site « Sud-Gironde Cyclisme » www.sudgirondecyclisme.fr

 

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